Dans une salle remplie de câbles et de circuits, une machine attend de recevoir son dernier composant.
Lentement, je place la pièce d'Irial entre les quatre pinces qui se referment sur celle-ci.
Je recule sans quitter la pièce du regard, comme si j'avais le sentiment qu'en me retournant, elle pourrait disparaître.
Je sens le tableau de commande derrière moi.
* Allez, Irial ... ce n'est qu'une question de secondes, maintenant ... *
" Quelques secondes, Irial ... et tu seras enfin libre. "
Mes doigts pianotent frénétiquement sur le tableau.
Sa tension artério-métalique semble stable ...
Jialle avait donc bien utilisé le même enchantement sur lui que sur les démons ...
J'envoie l'ordre de démarrage.
Les pinces blanchissent subitement.
Des arcs électriques parcourent la pièce, devenant une pure lumière.
Petit à petit les pince commence à reculer, emmenant avec eux un fils blanc.
Et plus elles s'éloignent et tirent, plus les fils deviennent nombreux, comme une bobine de laine que l'on tortille dans tous les sens pour la dénouer et la desserrer.
Les pinces sont arrivés au maximum et s'ouvrent.
En s'ouvrant, elles donnent de l'épaisseur aux fils qui s'étendent et prennent de l'espace.
Tous ses fils s'étendent dans l'espace, toujours reliés entre eux.
Ils forment désormais une sphère au centre duquel une silhouette blanche se tient à demi-accroupi.
Impossible de distinguer ses traits tant la lumière est trop forte.
De nouvelles pinces surgissent, saisissant délicatement les fils.
Lentement, ils les décalent pour libérer la silhouette.
Et plus elle se libère, plus sa lumière faiblit, laissant apparaître des ailes blanches, un corps nu à la robuste musculature, la tête baissée.
Le corps est désormais totalement dégagé de la sphère, mes pinces entreprennent désormais de ramener le sortilège à sa forme d'origine ... sans son prisonnier.
Les fils de rapprochent les une des autres, se lient, se resserrent.
La pièce reprend sa forme d'origine puis commence à rétrécir davantage :
il n'y a plus de prisonnier, plus de support sur lequel se fixer pour attacher.
Lorsque tout cesse enfin, la pièce a disparu ...
Et le corps s'écroule sur le côté.
******
J'ai emmené le corps d'Irial dans un lit pour ausculter son corps ...
Tout parait stable ...
" Ces cinq années de silence ont dû te plonger dans un lourd sommeil, Irial. "
J'observe avec amertume celui qui m'a tant de fois sauvé la vie, inconscient.
" Alors, s'il te plait, Irial ... Ne viens pas me dire ... que je suis arrivé trop tard pour éviter que tu t'endormes pour toujours. "
Je sens le poids de son silence peser un peu plus sur mes épaules.
Je n'en plus d'attendre, je n'en peux plus de me contenir, c'est trop long beaucoup trop et injuste.
" IRIAL ! "
Mais seul le silence me répond encore une fois ...
Abattu, je reste auprès du lit de mon sauveur, à l'attendre ...
***
Je sens quelque chose qui frôle mon bras, je relève la tête.
Je croise son regard.
" Staft Forest ... "
Je n'arrive pas à savoir si est heureux ou non ...
" Tu as tenu ta promesse ... "
Je déglutis avant de répondre ...
" Tu ne méritais pas de rester ainsi après tout ce que tu as fait pour moi ... "
Irial s'est redressé sur son lit pour me contempler...
Ses yeux partent dans le décors essayant de se souvenir d'une chose vielle de cinq années.
" Qu'est-il devenu de Centile ? "
" Centile ... va bien... Galu et Horini veillent sur elle... "
Il réfléchit sur ces paroles avant d’enchaîner
" Et Telagan ? "
" Vivant ... sa femme aussi... leurs enfants gouvernent Dépérion ... "
Un nouveau silence ...
Cette fois, c'est moi qui pose la question.
" Comment ça va ? "
Il met du temps avant de répondre ...
" Je ne sais pas ... cela fait si longtemps que je n'avais pas vu, respiré et bougé ... C'est comme si je venais de naître ... "
Je souris légèrement ...
" Comme retrouver enfin son vrai corps ... "
Il me regarde sans comprendre ...
" Le corps que je possède ... j'ai l'impression de ... enfin vivre librement. "
Mon chapeau et mon écharpe se retirent pour présenter mon sourire rassuré et heureux.
" Un corps qui suit mes pensées ... un corps qui me permet d'être libre et de me sentir ... vivant. "
Il hoche la tête.
" Oui c'est ça ... "
Un autre moment passe.
" Tu penses pouvoir marcher ? "
Son regard se porte sur ses jambes, qu'il commence à plier et déplier, faisant jouer ses articulations.
Il commence à sortir ses jambes du lit et à s'appuyer doucement dessus ...
Il se tient debout, concentré, s'assurant de son équilibre ...
Je souris en me relevant pour aller lui passer un chemise blanche brodé de fils dorée sur les épaules.
" Bon retour parmi nous, Irial. "
